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L'écart dans la continuité des soins chez les sans-abri du Canada

Article d'opinion

Par Stephanie Molloy

 


 

J'étais en train de lire l'autobiographie du Canadien Jesse Thistle, From The Ashes : My Story of Being Metis, Homeless, and Finding My Way" (1) lorsque je suis tombé sur quelques passages qui m'ont vraiment ému. En particulier, ceux qui traitent du parcours de Thistle après ses fractures du talon et de la cheville droit(e)s, du poignet gauche et de son une entorse du poignet droit lors d'une chute de 35 pieds. Il a été soigné principalement à Brampton, en Ontario, entre 1997 et 2008. Bien que je n'aie personnellement pas eu affaire au système de santé de l'Ontario, ses expériences au sein du système de santé canadien sont dignes d'intérêt. Voici deux citations qui décrivent le scénario auquel il a été confronté :


"Les chirurgiens ont décidé qu'il valait mieux laisser mes poignets exposés pour que je puisse marcher avec des béquilles" (p. 236).


"Ils m'ont renvoyé chez moi après trois jours - les croûtes ne s'étaient même pas formées" (p. 236).


Bien qu'en ayant pas de domicile fixe, après son opération de la cheville, il a pu rester chez son frère pendant un certain temps, mais il a rapidement dû partir. Sa situation de logement étant instable, une infection et de la gangrène se sont développées dans sa jambe droite, ce qui à forcé un retour à l'hôpital.


À l'hôpital, on lui a prescrit des antibiotiques, on lui a installé une pompe d'aspiration pour la circulation de la jambe et une infirmière devait venir deux fois par jour pour changer ses pansements. Lorsqu'il a annoncé au médecin qu'il allait habiter dans un foyer pour sans-abri, l'expression du médecin a changé. Thistle pouvait dire que la guérison de cette blessure ne serait pas simple. Il savait qu'il s'était déjà débrouillé dans la rue et dans les refuges auparavant, mais les choses étaient différentes maintenant.


"La première nuit au refuge, la pompe a disparu. Les troisième et quatrième nuits, l'ordonnance a été volée. Une semaine après le début de mon séjour, l'infection était de retour. Sans surprise, l'infirmière n'est jamais venue. Quand j'avais la pompe et mes médicaments, je pouvais au moins avoir de l'espoir, je pouvais au moins rêver de garder ma jambe et de marcher à nouveau sans aide. Maintenant, je n'avais rien. Je voulais tout oublier. J'ai abandonné." (p. 243)


Je vais le répéter encore une fois : " Sans surprise, l'infirmière n'est jamais venue... je n'avais plus rien... j'ai abandonné ".


En tant que travailleur de la santé, et surtout en tant que physiothérapeute qui traiterait ce type de blessure dans une clinique externe, j'ai été consterné, dégoûté, mais malheureusement, pas choqué du tout.


En tant que canadienne, j'ai vu des sans-abri mendier pour de l'argent pour prendre un taxi jusqu'à l'hôpital pour leur examen médical, j'ai vu des personnes boiter avec un plâtre ou une botte bien après le temps de guérison attendu, j'ai vu des personnes qui avaient clairement besoin de béquilles ou d'équipement pour les aider pour marcher et qui ne pouvait pas y avoir accès, et la liste continue.


Il n'est pas non plus surprenant, si vous avez bien regardé ou si vous êtes au courant des données, que la majorité des sans-abri au Canada soient indigènes. Leur relation avec notre système de santé est un couteau à double tranchant de discrimination et de racisme envers les sans-abri.



Après avoir lu cette expérience profondément personnelle, et avoir la réalité me sauter aux yeux, j'ai été inspiré par ce à quoi pourrait ressembler un monde meilleur pour la réadaptation physique ainsi que la continuité des soins pour la population sans-abri du Canada.


Pour comprendre la planification des congés d'hôpitaux au Canada, une enquête a été réalisée en 2017 (2) qui a révélé :


" les hôpitaux et les organismes du secteur de l'itinérance ont souvent du mal à coordonner les soins. Il en résulte que ces patients sont généralement renvoyés dans la rue ou dans des refuges et non pas dans un logement ou un logement avec soutien ". Les secteurs des soins de santé et de l'itinérance au Canada sont actuellement structurés d'une manière qui entrave les transferts collaboratifs des soins aux patients."


De plus, des données provenant des États-Unis (3) révèlent que les personnes sans domicile sont réadmises près de 4 fois plus fréquement que les autres patients à faible revenu.


Un patient sans domicile qui a été réadmis une semaine plus tard a déclaré :

"Je n'étais pas prêt à partir et c'était assez frustrant de devoir revenir. J'étais assez en colère. Je ne veux pas retourner [au refuge] alors que je ne me sens pas vraiment mieux que lorsque je suis entré." (3)


Ce qui m'amène à mon rève. Plutôt que de renvoyer les patients dans des refuges ou simplement dans la rue, il faut créer une structure dédiée spécifiquement aux personnes sans domicile fixe qui sont prêtes à quitter l'hôpital.


Cet établissement ressemblerait beaucoup à un centre de réadaptation pour patients hospitalisés, mais serait spécifiquement dédié à la population sans-abri. Comme dans un hôpital, les patients auraient leur propre chambre ou une chambre partagée, les repas leur seraient livrés, leurs soins seraient personnalisés et leur serait apportés directement. Il y aurait des médecins, des infirmières, des aides de service, des travailleurs sociaux, des psychologues, du personnel de soutien, des physiothérapeutes et des ergothérapeutes. Il y aurait des espaces communs pour les loisirs, la paix et la guérison. Il y aurait un site de consommation sécuritaire associé pour les patients luttant contre la dépendance. Les patients mobiles seraient libres de se déplacer sans aide, comme dans une maison de soins. Les services seraient entièrement gratuits, couverts par l'argent des contribuables comme pour les autres centres de réhabilitations.


Ce serait un endroit où l'on pourrait guérir physiquement des traumatismes subis par les individus. Un individu logé avec deux blessures aux poignets et une cheville fracturée ne serait jamais en béquilles avec notre système de santé. Pour une personne sans-abri, c'est la meilleure option pour conserver son autonomie, mais sa guérison est compromise. À ce jour (2019), à la fin de son autobiographie, Thistle se plaint que son pied ne sera plus jamais le même qu'avant ou normal. Il se réveille tous les jours avec une douleur fulgurante avec ses premiers pas de la journée.


Ce dont la population des sans-abri, au Canada et dans le monde, aurait besoin, c'est d'un endroit où elle peut guérir convenablement. Différent d'un centre de réadaptation pour toxicomanes et conceptualisé spécifiquement pour guérir physiquement d'une hospitalisation et d'une blessure. Un endroit qui les prépare à un future de réussite. Un endroit où la personne a le choix de rester ou de partir, de rechercher la guérison spirituelle ou non, de rechercher la sobriété ou non, de faire la transition vers un centre de réadaptation pour toxicomanes ou autre centre de ce type après si voulu.


Pour l'instant, tout ce que nous faisons est de forcer notre population de sans-abri vers une vie de douleur, de blessures récurrentes, de guérison incomplète, et de renforcer leur méfiance envers le système de santé.


Comment quelqu'un peut-il guérir quand on lui vole son matériel médical ? Quand les soins n'arrivent jamais ? Quand ils ne peuvent même pas prendre une douche ou se savonner ? Comment quelqu'un peut-il guérir dans de telles conditions ?


L'écart dans la continuité des soins au sein de la population sans-abri du Canada est énorme, et il nuit aux gens tout en inondant notre système de blessures récurrentes inutiles et d'échecs de guérison. Pour que les soins soient vraiment centrés sur la personne, pour que le patient fasse vraiment ce qu'il y a de mieux pour s'épanouir, il faut qu'il y ait un endroit sécuritaire où il pourra se rétablir.


Un centre de réadaptation physique pour les sans-abri n'est pas seulement une idée, un rève, mais est une nécessité.


**Avis de non-responsabilité : À mes yeux, l'itinérance elle-même devrait être éradiquée, de sorte que des problèmes tels que l'absence d'endroit où aller après une hospitalisation ne devraient pas exister. Cependant, le Canada a actuellement une population de sans-abri en qui augmente de façon constante et, par conséquent, ces problèmes doivent être abordés dès maintenant, alors qu'ils sont la réalité actuelle.


Références:

  1. Thistle, J. (2019). From the ashes: My story of being indigenous, homeless, and finding my way. Simon & Schuster Canada.

  2. Buccieri, K., et al. Hospital discharge planning for Canadians experiencing homelessness. Hospital Discharge Planning for Canadians Experiencing Homelessness | The Homeless Hub. (2018). Retrieved March 3, 2022, from https://www.homelesshub.ca/resource/hospital-discharge-planning-canadians-experiencing-homelessness

  3. Hwang, S., and Wen, M. Mei Wen, Stephen Hwang. Hospitals discharge homeless patients too quickly. Healthy Debate. (2016) Retrieved March 3, 2022, from https://healthydebate.ca/2016/10/topic/homeless-hospital-readmission-rates/

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